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9 décembre 2020

« La forêt française, c’est notre chance »

Par Guillaume Poitrinal (Cofondateur de Woodeum-WO2), Michel Druilhe (Président de France-Bois-Foret)

L’industrie forestière est accusée de malmener les forêts françaises. Pour Michel Druilhe et Guillaume Poitrinal, l’exploitation des arbres est pourtant une chance en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Une forêt plantée et exploitée par l’homme peut être plus efficace en termes de capture de CO2 qu’une forêt vierge de toute intervention humaine.

Publié dans Les Echos, 04 décembre 2020

Talleyrand nous l’a appris : « Tout ce qui est excessif est insignifiant. » Cette maxime n’aura pas retenu un biologiste botaniste de publier pendant l’été qu’une plantation d’arbres n’avait rien à voir avec une forêt. A la plantation, tous les maux du monde modernes sont associés. A la forêt, la vraie, entendons celle où l’homme n’est jamais venu qu’en promeneur, notre scientifique attribue toutes les vertus. Reprenons. Une plantation, c’est un champ d’arbres, pas une forêt. Première banderille pour l’auteur : le profit. Il nous révèle que de gigantesques multinationales, très (trop ?) rentables, sont à la manœuvre. Elles exploitent donc ces plantations (attention, ce ne sont pas des « forêts ») à l’aide de produits chimiques, fongicides et pesticides redoutables, plantent des espèces exotiques et mobilisent des engins mécaniques colossaux.

Ces champs d’arbres abriteraient bien moins de diversité animale et végétale qu’une forêt naturelle. Mais surtout, avec leurs « rotations rapides », les plantations seraient des sources de CO2 au lieu d’être des puits de carbone.

Tout ce raisonnement, qui consiste à faire passer Colbert, planteur de la forêt de Tronçais, ou Napoléon III, créateur de la forêt des Landes, pour des ennemis de la planète, pourrait faire rire s’il n’y avait pas derrière une idéologie qui veut à tout prix sacraliser nos forêts, interdire toute coupe d’arbres, en paquet ou à l’unité, empêcher le choix des essences, les éclaircies. Or cette idéologie va à l’encontre de la cause qu’elle veut défendre.

Effet de substitution

Nous ne débattrons pas sur les considérations absurdes qui consistent à faire passer les 100.000 exploitants forestiers, scieurs et industriels du bois français pour de grandes multinationales avides de profits. Et encore moins sur le mensonge qui veut faire croire à l’utilisation massive de produits chimiques dans notre sylviculture ou à l’absence de diversité biologique dans les forêts issues de plantation. C’est d’écologie que nous voulons parler, de façon simple et pragmatique.

Nos forêts produisent du bois. Le bois, avec ses produits dérivés, c’est la chance de notre planète. Il va permettre de remplacer la plupart des matériaux produits aujourd’hui à grand renfort d’émission de CO2 : plastique, ciment, béton, acier, verre… Il y a aussi l’enjeu du stockage du carbone. Un arbre passe sa vie à manger du CO2. C’est la photosynthèse. Couper un arbre pour un usage long, par exemple pour produire des matériaux de gros œuvre pour la construction, c’est non seulement éviter les émissions dévastatrices du béton, mais c’est également créer un véritable puits de carbone pour la longue durée.

Capture du CO2

Une forêt inexploitée est-elle aussi vertueuse qu’une plantation ? Rien de moins sûr… Arrivés à maturité dans une forêt dite « primaire », les vieux arbres feront le couvert qui empêchera les petits arbres de grandir. Et la croissance du vieil arbre, donc son absorption de CO2, ralentira, en attendant qu’il dépérisse et qu’il finisse par relâcher, avec la putréfaction, une grande partie du CO2 stocké.

Le salut de la planète passe donc par l’exploitation raisonnée et raisonnable de la forêt, pour mobiliser son formidable potentiel de capture du CO2 selon un cycle renouvelable. La seule forêt française avale chaque année 20 % de nos émissions. Mais seules les forêts plantées et récoltées avec méthode capturent de gros volumes et produisent un bois d’une qualité suffisante pour convenir à notre industrie. On peut vouloir céder aux idéologies et à la légèreté de l’air du temps. Mais on doit avoir conscience qu’à chaque fois que l’on emprunte ce chemin-là on se prive ardemment de l’outil le plus naturel, le plus simple et le moins coûteux pour lutter contre le réchauffement climatique, que, dans le même temps, on avantage l’importation de bois récolté et transformé ailleurs en Europe. L’urgence, c’est de mobiliser notre forêt et de développer une filière industrielle du « biosourcé », écologique et performante.

Michel Druilhe, président de France Bois Forêt, et Guillaume Poitrinal sont cofondateurs de Woodeum et de WO2

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